Marathon 80/100 : 48 km, (Kutahya – Altintas)
Un très bel anniversaire à mon petit frère Thibaud Vernier
Si nous sommes tous frères, je tiens particulièrement à celui-là.
Pour lui, je suis un grand frère. Ça veut dire que peut-être il regarde ce que je fais et que ça l’influence.
Alors sache qu’en pensant à toi aujourd’hui, cher Thibaud, ma journée a été extrêmement agréable. Oui à ton image !
Pourtant hier, je n’arrivais pas à échapper à l’angoisse des 48 km qui m’attendaient. J’ai les 2 tendons d’Achille douloureux, une fatigue générale… J’ai même reçu des messages m’expliquant, pour mon bien bien sûr, que j’avais au fond des pathologies, pourquoi toutes ces souffrances tout ça tout ça et que l’amour était une autre voie que la mienne.
Du coup nuit agitée à me débattre avec mes propres doutes, à me relever pour assouplir les chevilles et à peu croire qu’il y ait un miracle au matin.
Pourtant, à 5h45, après ma méditation, j’ai pensé à cette journée spéciale pour toi et les mots me sont venus : tu vas profiter de cette belle journée. Tu prendras tout le temps dont tu as besoin et ça va être génial.
Après j’étais dans la gratitude parce que rapidement j’arrivais à courir normalement et même sans douleurs.
Et puis ça a été un de mes plus agréable marathon. Il ne faisait pas trop chaud, d’abord une belle double voie vallonnée qui m’a permis d’avancer rapidement et où les automobilistes me saluaient, puis un sentier au milieu de sublimes paysages entre forêts, crêtes et cailloux ocres.
Au km27, je m’offre une pause dans un petit village. Il y a cette mosquée un peu abandonnée. Je m’allonge sur la dalle juste devant l’entrée, la tête accueillie par l’une de mes chaussures. Très pratique. Tu as déjà essayé ?
J’en profite pour une magnifique photo. Je te la joins. Tu l’a trouves pas magnifique ?
…Et je m’endors. Quelle belle journée !
Lorsque j’entends des pas dans mon sommeil. J’ouvre un œil. Je vois des pieds, des jambes. Oh un monsieur !
C’est Aziz. Il est venu voir si j’allais bien.
Aziz il a peut-être 70 ans. Il ressemble à notre grand père. Surtout les sourcils et la gentillesse. Il a toujours vécu ici. Ses enfants vivent loin et depuis longtemps.
Je lui explique ma pause, que j’espérais trouver une épicerie, un peu de pain mais que je ne suis pas inquiet. Qu’il y a un autre village 10km plus loin.
Là il semble s’énerver. Il me demande de rester là, qu’il va chercher quelque chose. Peut-être du pain…
Alors j’attends.
Et 10 minutes plus tard, le voilà qui réapparaît au milieu de ce petit village où il semblait n’y avoir rien, avec un immense plateau. Je ne pense pas que pour l’arrivée de Jésus, les mages aient apportés plus.
Miel, fromage, thé, beurre, tomates, olives, sucre, pain…
Il dépose ces trésors devant nous et me tient compagnie, observant ma joie, mon émotion et un peu ma gêne aussi. Que peut-on offrir à son tour lorsque l’on reçoit tant ?
Grâce à Google, je fais des blagues. Mais lorsque mon quasi grand père se met à rire, c’est encore moi qui suis couvert d’or.
Je finis par lui écrire cette phrase : “avec tout ce que tu m’offres, je crois que je ne peux pas ne pas arriver à Jérusalem”.
Pour lui, ce qui se passe là bas l’affecte viscéralement. Je le ressens. Je ne peux pas expliquer ça.
Alors, tu sais, notre grand père comme il nous regardait. Cet amour qu’il a de la vie, de nous. Ce que disent ses yeux. Et bien j’ai reçu ce regard quand il a entendu mes questions derrière ma phrase d’apparence légère : est-ce que je vais arriver ? Est-ce que ça a du sens de faire ça ?
Et au fait, sans transition, je t’ai parlé de Karine ?
Tu sais, c’est quelqu’un de spécial. Je lui dois beaucoup.
Par exemple, c’est essentiellement elle qui met en ligne ces récits sur le site. Le site, c’est grâce à elle aussi que j’ai rencontré les étudiants (Elliot et Noé) qui l’ont construit. Mais c’est surtout une amie avec qui nous avons évolué. Parce que nous avions ce point commun. Celui de vouloir aller vers la Foi. La confiance absolue en la vie.
Tiens, peut-être le mieux c’est de l’écouter parler d’amour :
Bon anniversaire. Tu sais que je t’aime ?
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.