Semons l'Amour

Après les 60 km d’hier, je savais que la journée d’aujourd’hui serait difficile physiquement. Donc mentalement.

Heureusement, elle ne faisait que 30 km. Et ma sœur m’avait annoncé qu’elle serait à l’arrivée…

J’ai envie de me dépêcher. Pour la retrouver et avoir plus de temps pour récupérer.

Mais il y a la pluie ce matin et ma sœur a 3h de route pour nous rejoindre.

Alors, je pars seulement à 7h. Joël observe ma démarche avec circonspection… Il dit “c’est normal que tu aies l’air d’avoir 80 ans ?”.

“Je ne suis pas encore en scène” je lui réponds, en référence aux chanteurs drogués soudain splendide sur scène.

Pour atteindre le premier village, je prends 2h de douche sous une température de 10 degrés. L’idéal pour s’obliger à courir, se réchauffer et réfléchir aux désordres du peut-être parfait équilibre du monde.

Plusieurs choses me traversent pendant qu’autour de moi, les grands chênes, les chevreuils et les immenses champs de blés défilent.

Ce que je cherche sur cette aventure est différent de mon premier défi jusqu’à Davos. En allant là bas, je voulais parler d’amour avec les personnes du quotidien pour montrer face aux peurs que véhiculent nos journaux que nous cherchons tous cela et qu’il suffit d’une question pour le révéler. C’est pourquoi j’avais besoin d’un film témoignage. Comme une preuve validant mon hypothèse.

Cette fois, en allant à Jérusalem, les échanges au quotidien me nourrissent. Ils me donnent matière à réfléchir sur nos fonctionnements. M’aident à mieux réagir, à mieux aimer.

Mais ce que je cherche, c’est d’atteindre Jérusalem. De pouvoir contribuer, simplement en réussissant à y aller, en me transformant à participer à la paix que les personnes qui vivent là bas sauront trouver. Que leur capacité à utiliser le pouvoir de l’amour soit si éclatante que le monde entier soit transformé.

Alors, faire un film n’est pas crucial. C’est pourquoi je vais sans doute moins faire d’images dorénavant. Pour mieux vivre les moments. Rester le plus concentré possible sur les paramètres qui m’aideront à passer d’étapes en étapes.

Km7, je m’abrite sous le auvent de l’église de villemurlin. Michel ouvre au même moment la porte de l’église.

Un abri providentiel quelques instants. Il prépare la salle pour un baptême. Je me dit “quelle merveille, un enfant va être fêté dans une heure ici. De nombreux adultes vont eux aussi souhaiter le meilleur pour lui”.

Je lui raconte ensuite notre destination… Lui est sensible à la guerre en Ukraine parce que sa femme est Roumaine.

Il craint la Russie. Il dit “de toutes façons, ça ne s’arrangera pas tant qu’ils ne se convertiront pas”.

Étonné je réagis, un peu ironique : “j’espère qu’ils n’attendent pas la même chose”.

Je pense à mon ami Christophe Belloeil et son livre “nous nous racontons des histoires”. Pour lui l’un de nos premiers drames est de croire que nous avons raison. Que nous détenons la vérité.

Ce qui nous ramène à la sagesse socratique : “ce que je sais, c’est que je ne sais rien”.

Mais n’empêche, Michel va croiser un peu plus tard, en voiture, Joël. Il va s’arrêter et lui remettre un poncho de Lourdes pour s’abriter de la pluie.

Péniblement, j’atteins Saint Florent, km20.

Je passe devant la dame de l’auberge justement dessinée par Christophe belloeil dans mon premier film. A 26min29 https://youtu.be/ABbNb6Vlrgs?si=SkcIL2yKrvhVlAf5

La devanture est sombre, des journaux traînent devant l’entrée… J’ai un peu faim. Je scrute la devanture comme essayer de comprendre ce qui c’était passé il y a 2 ans.

Et bam, la porte s’ouvre. De l’intérieur. La dame dessinée sort. “Je peux vous aider ?”

La phrase anodine me fait frémir…

Je crois que j’ai une qualité principale pour ce projet. Je détecte l’amour. Je sens même les âmes. Ce n’est pas infaillible du tout, mais mon parcours m’a conduit à ressentir y compris quand les mots disent l’inverse de l’âme.

Je réponds presque pris en faute : “non c’est gentil. Je ne faisais que regarder”.

J’aurais pu me dire, tiens voilà l’occasion de me confronter à une énergie négative. Apprendre à voir malgré tout la lumière. A entrer en compassion. J’espère je saurais faire ça quand j’y serais obligé. Mais là, j’avais besoin de conserver mon énergie.

Elle m’a répondu “ça ne fait de mal à personne de regarder”. Et elle a sourit.

Bilan : nous avons donc infiniment progressé par rapport à notre dernier échange d’il y a 2 ans.

Juste un peu plus loin, Joël me retrouve. On rentre ensemble dans le café du village.

Alexandra qui n’avait pas prévu de venir ce matin, n’en revient pas de nous croiser. On sent son coeur nous embrasser. Alors je l’interview. Il se passe avec elle quelque chose que je conscientise. “Un tel projet qui déboule, c’est réellement incroyable. Ceux qui l’âme pour le percevoir peuvent mettre un temps pour l’intégrer à leur réalité”.

Après 10 min d’échanges avec elle, elle redemande : “vous allez où ?”.

Même en lui redisant, je crois qu’elle était tellement consciente du sens du projet, qu’elle peine à valider notre réponse.

“J’ai l’impression que notre rencontre va vous marquer” j’ose interroger.

“Ah ça oui”. Et l’on ressent l’amour qu’elle nous envoie sans un mot.

Il me reste alors que 8km. Ma sœur approche aussi du panneau de Gien.

En repartant j’observe mes jambes de nouveau fonctionnelles. Comme si l’étape de la veille venait d’être digérée.

Je me sens dans une forme olympique. Toutes proportions gardées bien sûr. Je fonce à 12km/h sur ma sœur.

Elle est très pudique. Moi aussi.

Mais on se prend dans les bras. Longuement. Pour lui dire merci d’être là. Aujourd’hui. Comme depuis toujours. Merci de la confiance que tu m’accordes et dont j’ai besoin pour suivre le chemin qu’il m’est demandé d’emprunter. Merci de me montrer le pouvoir de l’amour.

Joël se loupe en filmant… Une preuve de plus que l’essentiel ne sera jamais capturé par aucune caméra.

Enfin je vous partage cette réflexion qu’on s’est fait tous les 3. On débarque parfois dans certains endroits où lorsqu’on raconte le projet, l’encéphalogramme reste totalement plat. “Ah! Ça fera 3 €”.

Pour ce projet, j’observe que ça décuple ma motivation. Comme dit ma sœur “le plus souvent ça nous fait douter de notre élan. Mais si ça n’est pas le cas, c’est peut-être que ce n’est pas juste une idée. Mais un élan irrépressible de l’âme”.

A demain à Mezilles. On sera au camping musical.

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