J’ai une tente magnifique. Spacieuse, ronde. Joël aime lui aussi avoir son espace. Alors grâce à Hassan et Lulu nous profitons du jardin. Moi dans ma villa et Joël dans une des salles du bar.
L’impression de privilège est amplifiée par la pluie qui fait chanter la toile.
A 6h, la perspective de sortir n’est pas des plus attirante. Je préfère les cocons au froid et à la pluie. Particulièrement quand c’est pour aller courir 48 km alors que je n’arrive déjà pas à marcher. Mais il y a la souriante Christelle qui est venue plus que me soutenir, quasi me porter ce matin.
Christelle est une très grande coureuse, dans tous les sens du terme. Grâce à son père. Il prenait soin de sa famille et ses 6 enfants et les emmenaient en weekend autour d’une course quand ils étaient enfants.
C’est une vraie sportive, ancienne chargée du sport pour une agglomération devenue prof de Pilate, entre autre.
Elle écoute les émissions de Philippe Ferrer qui évoque le monde subtil. Elle l’utilise dans son quotidien pour trouver le bon chemin pour elle. Sa maison que pourtant tout le monde lui deconseillait d’acheter, une enfant qu’elle a perdue et dont elle honore la mémoire, pour prendre soin des autres et aussi retrouver les clés de sa fille à distance.
Merci Philippe Ferrer ! C’est grâce à toi que nous nous sommes rencontrés.
Grâce à elle, les 30 premiers kilomètres sont faits sans trop y penser… Pour éviter de trop détailler.
Et puis, il y a son mari. Franck. Nous avons peu parlé. Mais chez lui, tout se voit dans son attitude, son regard, son corps. Je crois qu’il y a des personnes dont la puissance émotionnelle est telle que vous les rencontrez en croisant leurs yeux.
Il achète des maisons, créé des emplois pour mettre en sécurité ses proches. Et rien ne peut l’arrêter dans sa tâche.
Alors je lui dis “merci d’être qui tu es”. Il me répond “réciproquement”.
Ça m’étonne à chaque fois.
Km 9, nous rencontrons ensemble Céline qui tient un café épicerie municipale. Je l’avais rencontré il y a 2 ans avec sa belle sœur Marie-Laure. On voit cette dernière dans le film. J’avais été attiré par Céline mais une sorte de pudeur réciproque nous avait empêché de vraiment dialoguer.
En débarquant, elle me dit immédiatement : “je me souviens très bien”… Et elle accepte de témoigner d’une facette de la vie. Voir vidéo.
A château Renault, c’est Laurence que je retrouve. Elle aussi se souvient très bien de moi. J’imagine parce qu’on ne rencontre pas tous les jours un marathon er. Elle n’a pas vu le film elle non plus. J’adore ces retrouvailles. Comme voir comment c’est après une rencontre. Et annoncer ma propre évolution : je repars. Cette fois pour essayer d’arrêter la guerre…
Et écouter leurs évolutions.
Laurence m’épate… Elle conclut notre échange “oui mais que faire concrètement ? Peut-être mieux réagir quand quelqu’un nous agresse. L’autre jour je ne me suis pas énervé. Juste j’ai dit à la dame. Mais pourquoi vous me parlez comme ça… Mais bon, elle n’a pas changé…”
– “pas devant vous !?”
– “oui peut-être qu’elle parlera mieux à une autre personne la prochaine fois”. Elle sourit et précise “Mais enfin, il ne faut pas qu’elle me refasse trop souvent cela”. Là on rit ensemble.
Voir son témoignage en 2 parties.
Les 18 derniers kilomètres, c’était plus compliqué après les croissants…
Mais j’ai lu un mail reçu de Yan. Je m’autorise d’en publier un extrait ” Peut être prochainement une marée humaine de gens fera remparts aux bombes et autres militaires autour de la Palestine (note de moi, je l’espère tout autant pour Israël quand ce seront eux qui seront agressés, comme je l’espère pour toute personne dont la vie est menacée). Courage à toi ne faiblit pas, ne plie pas. Seul un acte mené à son terme à un impact sur l’humanité. Soit fort marathonien de l’amour”.
Alors j’avance.
Et je retrouve Joël qui a pris soin de toutes nos affaires, de saluer Hassan et Lulu et de nous dégoter un magnifique restaurant. Au p’tit boulot Drome.
La question à suivre, allons nous dormir bien, séparés, mouillés. Tente et tarp installés en tous cas. Pluie annoncée légère…
Mais en attendant, on retourne au restaurant voir si le talent musical de Joël peut multiplier les petits pains…
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.