Marathon 77/100 : 45 km, (Inegol – Domanic)
A Simon, 14 ans aujourd’hui.
Quand il est né, je suis né une nouvelle fois. J’ai raconté dans mon livre, sa naissance. Comme il s’est levé dans la couveuse pour me regarder droit dans les yeux et me dire “assez rigolé, maintenant tu vas vivre et je te montrerai le chemin”.
C’est comme ça les enfants, ils voient, ils comprennent si ce que vous faites vient de l’amour ou des peurs. Alors, vous voulez être à la hauteur de l’image qu’ils plaquent sur vous. Ou bien celle que vous voudriez avoir de vous-même.
Bref, celui d’aujourd’hui de Marathon, pendant que monsieur allait se baigner et observer ses abdos en attendant qu’on vienne autour de lui avec un magnifique gâteau, je ne pouvais pas le rater.
Comme je ne savais pas par ailleurs où je dormirai le soir et que ça allait être long, j’ai choisi de prendre mon temps et de savourer la journée. Tant pis pour le repos à l’hypothétique hôtel.
Km7, je m’arrête à un café. Déjà.
Un des nombreux hommes me hèle, en français. C’est Alpay.
Il est venu acheter du lait pour son petit dernier. Il ne peut pas rester. Il a travaillé 10 ans dans un hôtel en Angleterre. C’est là qu’il a appris un peu le français. On prend une photo devant l’arbre planté par les ottomans il y a 700 ans. Il explique à toute l’assemblée ce que je fais. Oh ! disent-ils. Alors on m’offre mon café, on veut me serrer la main, me dire que la France est en grand pays puisque nous avons Mbappe. C’est vite oublier ces petites histoires de Marathons pour la paix.
Un plus jeune me montre une liasse d’euros énorme. Comme s’il était lui aussi en passe d’être là 7e puissance mondiale. Voilà une vraie conversation entre hommes.
Mais Alpay, lui, il fait un truc génial. Il enlève mes inquiétudes. Oui le village là-bas, tu trouveras un hôtel me dit-il. Et tu dois aller à ce restaurant en bas d’une rue où le poisson est excellent. En le disant, je vois qu’il vient de manger un Turbo et que son bonheur l’a fait partir ailleurs.
Quand je suis arrivé effectivement à l’hôtel, il était 17h.
Parce qu’entre le km7 et le km45, il y a eu une sieste devant la porte d’une station service fermée, le franchissement d’un col avec une route de plus de 10 km à 7% et où je n’ai fait que marcher.
Surtout, être comme ça seul sur une route de montagne avec des fontaines partout, c’est probablement un des trucs que j’aime le plus. Alors j’ai profité.
Et un bonheur n’arrivant jamais seul, à l’approche du col, un restaurant cabane d’altitude incroyable. Tout en bois et construit autour d’un immense arbre qui traverse les 2 étages.
La dame qui m’accueille me sourit. Google traduction nous aide à nous rencontrer. Elle me prépare des haricots grillés de ouf’ et un plat de poisson au fromage à tomber par terre.
Elle a l’habitude de l’effet de sa cuisine, elle me propose, avant de tout à fait m’écrouler, les espaces thés, tapis, coussins sous les arbres pour aller méditer sur la cuisine turque et ses effets sur l’univers.
C’est là que je repense à cette conversation avec Simon. Je lui avais dit que j’allais aussi là-bas pour que si un jour il y a la guerre et qu’il a 18 ans, qu’il puisse répondre : “pas besoin d’armes pour arrêter une guerre, au contraire”. Et d’un air sévère auprès du général d’infanterie: “Mon père l’a montré”.
Moi : Que ferait Jésus s’il était là aujourd’hui ?
Simon : j’imagine qu’il irait voir ceux qui décident de la guerre. Pour tenter de les raisonner.
Mais est-ce qu’on lui permettrait de les rencontrer ? Moi je crois qu’il marcherait sur l’eau ou d’autres trucs pour que les gens disent mais il est incroyable ce gars, écoutons-le. Et après il conduirait un million de personnes de toutes nationalités là où il y a la guerre pour que la colère des belligérants cède devant tout cet amour.
Simon : ah oui. Ça peut marcher. Sauf que toi tu cours, tu ne marches pas sur l’eau. C’est pas pareil quand même…
Et puis il y avait ces arbres dans les montagnes turques, cette douceur, ces tapis colorés sur lesquels tout mon corps s’est abandonné.
Et quand je me suis réveillé, j’avais comme reçu un nouveau plan. Bien plus puissant encore pour donner envie à tous les soldats de choisir la vie.
Je le garde pour moi pour l’instant. Parce que je suis loin d’être arrivé. Et ça m’étonnerait que ce soit moi qui décide de ce qui va se passer finalement. Mais j’ai bien vu la voix.
Et je crois que ce nouveau plan plairait beaucoup à mon fils.
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.
Avec beaucoup de retard je souhaite un merveilleux anniversaire à Simon !
Que tout l’amour qui t’entoure, Simon, te garde dans la joie tout au long de ta vie !
Thérèse