Marathon 50/100 : 50 km, (Udovice – Velika Plana).
50 km pour le 50ème. N’allez pas croire que j’ai le goût du défi.
On reste tout prêt des 40 degrés dès 12h et pour 3 jours encore.
Alors je rêvais plutôt d’une étape plus courte. D’autant que j’ai eu l’occasion de voir les limites de mon corps et surtout de mon cœur sur un plan purement fonctionnel. J’ai même entendu un commentaire du genre : “il y a l’âge aussi”.
50 km parce qu’il y a peu d’hébergement sur le parcours. Ce parcours, c’est une longue route abîmée par le poids des voitures et de la chaleur, desservant quelques villages dont on se demande de quoi vivent les habitants.
A part les pastèques bien sûr et mes Orangina.
Alors pour éviter les heures où courir revient à traverser un gigantesque barbecue en maillot de bain, soit je courrais beaucoup plus vite, soit et c’est finalement ce qui m’est rapidement apparu comme l’unique option, je partais plus tôt.
J’ai crains que la fatigue ne rende pas la solution si efficace et finalement, grâce à une sieste de 3 minutes, c’était parfait.
On verra les autres jours.
A 3h27, curieusement, j’ouvre les yeux. 3 min avant mon réveil. Impressionné moi-même que mon corps semble comme avoir déjà enregistré mon nouveau plan.
4h15, je découvre les rues, la nuit à Udovice.
Les chiens errants qui s’informent mutuellement de la bizarrerie d’un type en short. Estimant que leur Mission est de réveiller la Serbie, Djokovic sûrement encore à Londres, compris.
Il y a aussi les phares étonnés, ceux qui me saluent en riant, pressentant que je défie le “c’est comme ça !”. Et puis l’aube dont je partage l’intimité, les couleurs, la douceur, le secret.
Je profite d’être tombé du lit pour avancer un maximum.
A 6h, il y a déjà du monde dans les cafés.
Mon cerveau qui croit aux montres s’étonne de voir cette convivialité matinale. Mais c’est à cette heure là, qu’on peut gouter aux joies de la vie ici. On se regarde comme complice de notre privilège.
À 7h50, la fatigue me tombe dessus. Pile au moment où un magnifique banc me tend ses généreuses planches. Pour me garantir le repos revigorant, j’écoute pour la seconde fois, l’a par ailleurs très intéressante Marie de Hennezel, dissertant sur l’art de bien vieillir.
Je me souviens parfaitement de ses mots, ses idées… Mon corps est en une fraction de seconde abandonné sous le vent chaud. Mon esprit part se ressourcer dans un endroit que j’ignore.
Un nouvel élan est en moi pour aller jusqu’aux 10 prochains kilomètres. Et puis encore 6 et puis 4 autres, et puis ce pont, cette entrée de ville et enfin cette femme derrière une pyramide de pastèques. Elle me guide jusqu’à l’hôtel climatisé qui promet une douche.
Je traverse ces journées entre l’inconfort et le paradis. L’extérieur et l’intérieur. Les dangers sous contrôle et la sécurité réconfortante du corps et de l’esprit. Pas d’échappatoire à ce mouvement du temps.
Je me hâte de grimper les escaliers. Me connecter enfin pour annoncer à mes enfants comme si je voulais leur dire qu’on aurait tort de s’inquiéter. Que la vie n’est qu’un jeu où l’on ne fait que se rendre compte que nos inquiétudes étaient infondées.
Ils s’ennuient. Leur avion tarde à décoller. Je leur écris “vous aimez les défis ?”
“Cap de demander au pilote s’il accepte que vous écriviez sur son bras, J’aime la vie ?”.
Je les entends rire par SMS et réfléchir à leurs arguments.
PS : les origines de ce projet sur https://www.semonslamour.org/
PPS : j’observe que ma tête commence à organiser des choses pour que la diplomatie aide ce projet à tenter la traversée de la Syrie. J’imagine parce qu’il devient plus difficile de dire que ce que je fais est totalement irréaliste.
PPPS : Merci pour ce que vous faites vous aussi.
Antoine VERNIER, sociologue, vit à Angers dans une cabane sans eau et sans électricité.
En 2022, il court 23 marathons de suite jusqu’à Davos. De ce voyage, il réalise un documentaire « Et si on parlait d’amour !? » et en écrit un livre qui porte le même titre.